Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Blog du groupe "Désirs d'Avenir" de Marseillan (Hérault)
Blog du groupe "Désirs d'Avenir" de Marseillan (Hérault)
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 5 075
Newsletter
28 juillet 2012

2ème mise au point !

Le défi secret de Najat Vallaud-Belkacem

Les ressorts du parcours de cette ministre de 34 ans, née au Maroc.


C'est l'histoire d'un rêve français. Mercredi 16 mai, le soleil brille sur Paris et Najat Vallaud-Belkacem est attablée à une terrasse, près du jardin du Luxembourg. Accompagnée de deux amis, elle n'a d'yeux que pour son portable. La veille, François Hollande a été investi président de la République. Des proches lui ont donc conseillé de ne pas trop s'éloigner de son smartphone, au cas où...

Elle, ministre à 34 ans ? Elle n'y croit pas ou feint de ne pas y croire, comme pour conjurer le mauvais oeil. Certains ont fait le calcul pour elle : "Mais Najat, tu as toutes les chances d'entrer au gouvernement : tu es jeune, femme et issue de la diversité !" Le portable de l'élue lyonnaise se met à vibrer. Numéro inconnu. C'est "Iaco", l'assistante de François Hollande."Ne quittez pas, le président souhaite vous parler." Attente. Musique de Berlioz. La jeune femme ravale un fou rire. Hollande : "Bonjour Najat, comme tu le sais, je compose, avec Jean-Marc Ayrault, le gouvernement et je souhaite que tu y participes. J'ai pensé à toi pour le porte-parolat et les Droits des femmes, qu'en dis-tu ?"

En raccrochant, elle a songé à son parcours et, d'abord, à ses parents, ouvrier et femme au foyer, qui, il y a encore quelques années,"n'avaient pas le droit de vote, car ils n'étaient pas français". Elle a, peut-être, aussi pensé à ce professeur d'amphi à qui elle avait fait part, à la fin des années 90, de son ambition d'entrer à Sciences- Po Paris et qui lui a rétorqué : "Ne nourrissez pas trop d'illusions, mademoiselle. Vous êtes trop juste." Et comment ne pas avoir une pensée pour Ségolène Royal, qui a donné à son engagement politique une dimension nationale ("Reconnaissance éternelle à Ségolène") ? Elle pousse également un ouf de soulagement : le président n'est pas "tombé dans le piège", en lui proposant un ministère de la Diversité ou de l'Égalité des chances. "Il a été malin, il a pris le contre-pied de tout le monde", relève-t-elle.

Car le défi de cette mère de deux enfants, d'origine berbère, est d'entrer dans une normalité non pas stylistique mais identitaire. Faire qu'entre Marisol Touraine et Aurélie Filippetti, deux autres ministres, elle ne soit plus "divers". Seulement, avec elle, les fantasmes vont bon train. Comme si son nom à double consonance et son minois basané disaient tout de sa vie : une enfance à la "Germinal", une famille nombreuse dans un F2, l'eau du bain qu'il a fallu partager avec la fratrie, les files d'attente devant les services sociaux et, de surcroît, un malaise identitaire."De mon enfance je ne conserve que de bons souvenirs. Je ne suis pas dans une revanche sociale", confie cette jeune musulmane non pratiquante. Être une icône de la diversité, très peu pour elle. Son antimodèle, en l'occurrence, s'appelle Rachida Dati, ex-femme de ménage devenue garde des Sceaux, qui n'a eu de cesse de narrer son parcours, jusqu'à être prise, à force de contradictions et de mondanités, pour un imposteur.

"Avec Najat, les portraits débutent souvent par : Elle est née dans le Rif marocain et est arrivée en France à l'âge de 4 ans...", s'agace son attachée de presse. L'intéressée dit comprendre ce réflexe pavlovien. Elle regrette, en revanche, "les préjugés", toujours " tenaces". Les procès en incompétence. Les délits de faciès. Les oreilles beaucoup plus tendues quand il s'agit pour elle de prendre la parole. Dans son dernier livre (1), elle rapporte cette anecdote : candidate aux législatives à Lyon, en 2007, elle organise une réunion chez elle, pour promouvoir son programme. Sonne à la porte un homme à l'allure bourgeoise, qui tend son manteau et son écharpe à celle qu'il prend pour la domestique...

Comme Dati ?

Et puis, il y a ceux qui, sans malveillance, l'entraînent toujours sur le même terrain, celui de l'intégration, de la diversité, du racisme... À Rome, le 16 juillet, pour un forum international consacré aux droits des femmes, celle qui veut abolir la prostitution a vécu la situation, cette fois-ci, en version italienne. La première question que lui pose l'animatrice du Forum, Lucia Annunziata, directrice du Huffington Post Italie, concerne le regard des Français sur sa personne. Non pas sur son jeune âge ou sur son sexe, mais sur ses origines marocaines. La deuxième question concerne les nominations de Rama Yade et Rachida Dati par Nicolas Sarkozy. La ministre répond volontiers et parvient à glisser quelques idées sur la condition des femmes.

À en croire un récent sondage, elle serait la personnalité du gouvernement qui incarne le mieux le changement. Même le Guardian, qui lui a récemment consacré un long portrait, la présente comme "the new face of France" (le nouveau visage de la France). La benjamine du gouvernement prévient : "Je ne me laisserai pas griser par la popularité. Je me dois d'être exemplaire, car je suscite de l'attente auprès de ceux qui se reconnaissent dans ce que je suis."

Ce qu'elle est... Un sésame politique pour Ségolène Royal, qui reconnaît l'avoir promue du fait de ses origines. "J'ai toujours voulu avoir des ouvriers, des exclus, des jeunes issus de la diversité autour de moi", confie l'ex-candidate à la présidentielle pour qui "Najat" doit "accepter d'être là pour ça". En clair : "Elle s'appellerait Claudine Dupont, elle ne serait peut-être pas là. Elle doit assumer son identité et en être fière."

Par ailleurs, la double identité de cette " gazelle" - son surnom dans une biographie à paraître - offre à ses rivaux politiques un angle d'attaque facile. Durant la campagne présidentielle, la députée UMP Valérie Rosso-Debord ne l'avait-elle pas accusé, à tort, d'appartenir à une association franco-marocaine ? "J'étais peinée, concède-t-elle. D'autant qu'elle me semblait être une personne correcte. En tout cas, cela ne lui a pas porté chance." (Rosso-Debord a été battue aux législatives.).

"Coachs"

Il y a quelques semaines, elle était l'invitée vedette du gala des trentenaires de Sciences po. Elle y est arrivée sans brouhaha ministériel. En baskets, roses de surcroît. Elle déambulait au milieu des robes à dos nu et des costumes sur mesure. Combien, parmi ces invités, ex-camarades de promo, l'ont-ils naguère snobée parce qu'elle venait de Picardie et qu'elle avait découvert l'existence de Sciences po dans un centre d'orientation ? Pour le président de l'association des anciens, elle est "l'illustration de ce qu'a voulu Richard Descoings", et qu'importe si "Najat" n'a pas profité des conventions ZEP-Sciences po...

La presse a fait état de réunions de coaching à l'Élysée à la veille de sa conférence de presse d'après conseil des ministres."C'est faux. Une réunion de travail devient une séance de coaching. Des conseillers de l'Élysée me rapportent les positions du président sur les Affaires étrangères. Pour les questions ministérielles, je traite avec Matignon." Le premier de ses "coachs" n'est autre que son mari, Boris Vallaud, collaborateur d'Arnaud Montebourg. Feu le député Olivier Ferrand comptait aussi parmi ses anges gardiens.

Où puiser la force de continuer, et pour aller où ? "J'agis avec un sentiment d'urgence, avant que l'envie ne me quitte." De là à tout arrêter ? "Je ne l'exclus pas." Elle mesure avec humour la fulgurance de son parcours : "J'ai sauté très tôt dans le grand bain sans trop savoir nager. D'ailleurs, je sais ce que c'est, je ne sais pas nager... "

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité